Face à la crise du Covid-19, l’Union européenne (UE) s’est attaché à prendre des mesures tant sur le plan sanitaire qu’économique. Cet article en recense les principales.
Sur le plan de la santé : une solidarité européenne difficile à mettre en place
Le domaine de la santé ne faisant pas partie des compétences de l’UE, cette dernière a d’abord apporté une réponse concentrée sur la recherche et l’aide internationale.
Le 28 janvier 2020, le dispositif intégré de l’UE pour une réaction au niveau politique dans les situations de crise (IPCR) est activé, dans son volet « partage de l’information ». Les États ont ainsi dorénavant accès à :
- des rapports de connaissance et d’analyse de la situation, établis régulièrement par la Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et diffusés sur une page spécifique sur une plateforme web sécurisée pour partager des informations.
Le 31 janvier, les Etats-membres de l’Union européenne envoient 12 tonnes d’équipement de protection à la Chine.
Le 1er février, la Commission européenne annonce flécher 10 millions d’euros du programme « Horizon 2020 » du Programme Européen pour la recherche et l’innovation vers la recherche portant sur le SRAS-Cov-2.
Le 24 février, un paquet de 232 millions d’euros est annoncé pour soutenir la recherche, l’OMS, la Chine et l’Afrique, répartis ainsi :
- 114 millions d’euros sont destinés à l’OMS, pour venir en aide aux Etats avec des systèmes de santé en grande difficulté dès avant l’épidémie ;
- 100 millions d’euros pour la recherche ;
- 15 millions d’euros pour l’Afrique ;
- 3 millions d’euros pour le rapatriement des ressortissants européens confinés à Wuhan.
En raison de son incompétence en matière sanitaire, l’UE a donc dans un premier temps laissé les États-membres prendre des initiatives non coordonnées, voire contradictoires. Dans l’urgence et dans la crainte de pénuries d’équipement de santé, ils ont ainsi agi de façon individuelle au détriment des autres.
Cependant, la solidarité européenne semble s’être développée durant les dernières jours. En effet, la France et l’Allemagne ont offert plus de masques à l’Italie que la Chine ne l’a fait. L’Allemagne a même augmenté d’un million le nombre de masques offerts cette semaine, alors que l’Autriche en a envoyé 1,6 millions ces derniers jours. Les Etats-membres les mieux équipés ou les moins touchés par la crise acceptent ainsi de soigner des patients en état grave dans leurs hôpitaux : l’Allemagne et le Luxembourg ont accepté de recevoir des patients italiens et du Grand Est. Ces hospitalisations devraient se multiplier au fil de l’aggravation de la crise.
Cette entraide est encouragée par les institutions européennes :
- le 19 mars, une réserve commune de matériel médical à l’échelle européenne (RescEU) consacrée à l’acquisition de respirateurs et de masques de protection avec un budget de 50 milliards est créée. Les États-membres pourront y participer sur la base du volontariat. 25 d’entre eux ont annoncé rejoindre ces achats groupés ;
- pour les transports prioritaires (aliments, biens médicaux, bétail, articles de protection), la Commission propose des “voies vertes“ prioritaires.
Enfin, l’Union opère une fermeture de ses frontières extérieures, à compter du 17 mars 2020 et pour une durée de 30 jours. En concertation avec ses principaux partenaires du G7, l’UE proscrit les arrivées non-essentielles de l’extérieur (tourisme, voyages d’affaires…).
Des exceptions sont néanmoins prévues pour :
- les citoyens européens, les résidents de longue durée, les médecins ou encore les chercheurs participant au combat contre les virus … ;
- les transporteurs de marchandises qui sont autorisés à circuler pour ne pas interrompre les chaînes d’approvisionnement.
Sur le plan économique : une réponse encore insuffisante mais plus appropriée
La réponse des institutions européenne apparait davantage substantielle dans le domaine économique.
En effet, L’UE a lancé une « Initiative d’investissement en réponse au Coronavirus », adoptée par le Parlement, qui modifie le règlement 1303/2013 sur les dispositions communes aux fonds européens. Les modifications proposées par la Commission visent trois objectifs :
- l’injection rapide de liquidités (mais sans apport d’argent frais) : les États-membres seront dispenser de rembourser à la Commission en 2020 les avances déjà perçues au titre du FEDER, du FSE et du FEAMP et pourront ainsi s’en servir comme des cofinancements nationaux pour soutenir rapidement des investissements en réponse à la crise sanitaire et économique liée à l’épidémie de Covid-19. L’effort global, en ajoutant à ce montant les cofinancements UE sur la base des taux de cofinancement en vigueur (soit environ 29 milliards d’euros), pourrait ainsi atteindre, d’après la Commission, jusqu’à 37 milliards d’euros ;
- l’assouplissement des règles de reprogrammation : les autorités de gestion pourront se dispenser d’une approbation de la part de la Commission dans le cas d’amendements à des programmes opérationnels soutenus par le FEDER, le FSE ou le Fonds de cohésion, s’ils visent un transfert de ressources entre axes prioritaires dans le respect de plafonds (8% de la dotation des axes prioritaires et 4% de la dotation totale du programme) ;
- l’assouplissement des mesures d’éligibilité : l’éligibilité des opérations en réponse au Covid-19 à titre rétroactif dès le 1er février 2020 serait rendue possible, y compris en amont d’une modification d’un programme opérationnel ; le soutien aux entreprises en difficulté serait élargi dans le cadre de l’éligibilité des fonds de roulement des PME ; le champ d’éligibilité du FEDER serait élargi à des mesures d’équipement dans les services de santé ; le champ d’application du FEAMP serait étendu à des fonds de mutualisation en faveur des pêcheurs ou à une assurance des élevages aquacoles en cas de pertes économiques liées à une crise de santé publique.
La commission souhaite également modifier le règlement FSUE (fonds de solidarité de l’Union européenne) en :
- élargissant le champ d’intervention du Fonds (jusqu’ici limité en réaction aux catastrophes naturelles) aux cas de crises sanitaires majeures, en réduisant, dans ce contexte, de moitié les seuils d’éligibilité au regard de la charge sur les finances publiques, des mesures de réponse d’urgence, et en augmentant le montant des crédits inscrits au budget pour le FSUE pour 2020 de 50 millions d’euros à 100 millions d’euros ;
- relevant le niveau des avances de paiement jusqu’à 25% (contre 10% actuellement) pour l’ensemble des interventions du FSUE (y compris dans le cadre de catastrophes naturelles).
La Banque européenne d’investissement (BEI) a quant à elle proposé un plan de 40 milliards d’euros de financements pour les entreprises européennes, par des prêts-relais, des suspensions de remboursement de crédits et diverses mesures pour les problèmes de liquidité et de fonds de roulement.
Cependant, le budget de l’Union européenne étant limité, les aides financières proviennent principalement des États eux-mêmes. À ce jour, deux dispositions concernant les aides d’État et prévues par les traités s’appliquent à la situation actuelle :
- D’une part, selon l’article 107-2-b du TFUE, les aides d’Etat justifiées par des « calamités naturelles ou autres évènements extraordinaires » sont autorisées ;
- D’autre part, selon l’article 107-3-c du TFUE, il est possible d’accorder des aides « destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions » dans le sens de « l’intérêt commun ».
Afin que les États disposent de plus de flexibilité quant à l’utilisation de ces aides d’État, le 17 mars, la Commission a élaboré un cadre règlementaire temporaire précisant quatre types d’aides autorisés : subventions directes et avantages fiscaux sélectifs, jusqu’à un montant de 500.000€ ; garanties d’Etat pour les prêts contractés par les entreprises auprès des banques ; prêts publics subventionnés aux entreprises ; aides permettant aux banques de financer l’économie réelle.
Le 23 mars, l’Union européenne a activé pour la première fois la clause dérogatoire du Pacte de Stabilité et de Croissance qui doit permettre aux États-membres de prendre des mesures afin de faire face de manière adéquate à la crise, tout en dérogeant aux obligations budgétaires qui s’appliqueraient normalement au titre du cadre budgétaire européen.
Enfin, les réponses budgétaires des Etats-membres de la Zone euro sont soutenues par la politique monétaire très expansionniste initiée par la Banque centrale européenne :
- sur le plan du soutien aux capacités de prêts des banques :
- assouplissement des exigences en fonds propres ;
- augmentation des achats d’actifs publics et privés ;
- troisième vague de Long term refinancing operations (TLRO), prêts importants de longue durée aux banques à un taux négatif si les banques prêtent à l’économie réelle ;
- sur le plan du financement de la dette publique : lancement par la Banque centrale européenne du « programme d’achat urgence pandémique » (ou PEPP) d’un montant de 750 milliards d’euros (en plus des montants déjà annoncés) qui permet d’acheter des titres privés et publics sur les marchés secondaires. Contrairement aux programmes précédents, ce nouveau programme permet, sur le plan de la dette souveraine, d’acheter de la dette grecque, de s’écarter temporairement de la clé de capital qui détermine la part des achats consacrée à chaque pays de la zone euro et d’acquérir plus de 33% de la dette d’un Etat. En conséquence, les coûts de financement des différents Etats européens, qui avaient fortement augmenté dans la première moitié de mars, se sont réduits.