Membre du Groupe d’études à vocation internationale sur les relations avec le Saint-Siège, j’ai pu participer activement à la mission qui s’est tenue à Rome du 25 au 28 novembre 2019, dans le strict respect de la laïcité.
Ce groupe de liaison avec l’État du Vatican ne consistait pas en un déplacement à caractère religieux. La finalité de ce voyage diplomatique rassemblant dix députés de tous bords politiques réside dans l’approfondissement des connaissances sur l’action vaticane, ainsi que sur l’état des relations interétatiques du Saint-Siège avec le reste du monde.
Nous avons été accompagnés par son Excellence Madame Elizabeth BETON DELEGUE Ambassadrice de France près le Saint Siège, et rencontré pendant deux jours les hauts responsables des différents dicastères.
De nombreux thèmes sociétaux et politiques ont été discutés afin de mieux comprendre la stratégie vaticane sur les sujets d’actualité.
Un dialogue interreligieux tourné vers la tolérance
L’entretien avec Monseigneur Indunil JANAKARATNE KODITHUWAKKU, Secrétaire du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux a permis d’évoquer cette vision partagée de la culture compassionnelle et de la miséricorde, aux confins du multiculturel et du localisme.
Il a largement plébiscité une démarche de tolérance réciproque reposant sur la reconnaissance fraternelle des valeurs universelles véhiculées par les religions. Le cas de l’islam a été plus particulièrement abordé eu égard les difficultés rencontrées dans l’instauration d’un dialogue proactif, du fait de l’absence de hiérarchie commune rassemblant toutes les traditions islamiques. La problématique interreligieuse a aspecté les droits de l’Homme et plus spécialement le statut de la Femme chez les musulmans.
Un développement Humain intégral promouvant l’écologie et l’humanité
Le Synode des évêques sur l’Amazonie devant tracer de « nouveaux chemins pour l’Église et l’écologie intégrale » pousse le Vatican à se tourner vers les défis du troisième millénaire à l’instar de l’urgence climatique, de la préservation des cultures autochtones, de la place des femmes ou de l’ordination d’hommes mariés.
C’est dans cette ouverture sociétale que le cardinal Peter TURKSON, Préfet du Dicastère pour le Développement humain intégral est intervenu sur le sujet de la migration, reprenant les quatre objectifs du Pape : « Accueillir, Protéger, Promouvoir et Intégrer ».
Si l’étranger a toujours été un thème biblique, l’immigration comme forme moderne d’esclavage au centre de trafics soulève de nombreuses interrogations. Bien qu’elle soit souvent une force, il est important d’y apporter une réponse à la fois « humaine et humanitaire », comme l’a rappelé Monseigneur Paul Richard GALLAGHER, Secrétaire pour les Relations avec les États.
La question de l’écologie est envisagée à la lumière du paradigme de la complexité, dans le droit fil de l’encyclique « Laudato Si’ » de 2015, dans lequel le Pape François prônait une approche systémique du développement au confluent de l’économie, de l’écologie, de la mémoire culturelle, de l’expression spirituelle, de la vie politique et du lien social. C’est bien dans cette perspective œcuménique que le travail sur les objectifs du développement durable a été accompli.
Une action au cœur de la modernité culturelle
Le Cardinal RAVASI, Président du Conseil pontifical pour la Culture a abordé l’aspect multiforme de celle-ci, dans un esprit de dialogue entre croyants et non croyants. Le Saint-Siège dans sa volonté de décloisonnement nous exhorte à trouver des solutions communes sur le « Parvis des Gentils », comme le Pape Benoît XVI nous y invitait. L’anthropologie n’est plus univoque, il n’y a pas d’accord intrinsèque sur l’Homme et la Vérité, ceux-ci demeurant un sujet de dialogue permanent.
Le Vatican favorise donc des actions au plus près des gens, des jeunes, des femmes, des exclus en parallèle d’un discours intellectuel à destination religieuse. Le Saint Siège choisit la voie de la modernité culturelle en soutenant l’émergence de l’art contemporain, en prônant le sport comme école de vie ou en développant les synergies scientifiques à travers le renforcement de ses liens avec les institutions existantes, comme par exemple en France avec les Académies ou la Sorbonne.
Les progrès technologiques, la génétiques et l’intelligence artificielle renouvellent la question de l’identité de l’être humain tant dans ses relations avec autrui que dans son rapport avec lui-même.
Une politique étrangère engagée
Outre ses positionnements philosophiques, le Saint-Siège reste un État qui prend position sur la scène internationale, comme au Japon récemment, contre l’arme nucléaire dans la politique de dissuasion. Monseigneur Paul Richard GALLAGHER rappelant que le Pape François n’hésite pas à condamner fermement la simple détention de l’arme nucléaire jugée aussi illicite qu’amorale.
Les Chrétiens n’ont pas tous accès à la même liberté d’opinion ou de culte, comme en témoignent les risques encourus par les Chrétiens d’Orient ou la reprise en main du fait religieux par le Parti Communiste Chinois qui craint son impact négatif sur la sécurité intérieure.
Quant à l’Europe au cœur des débats avec le Saint-Siège, les Parlementaires ont émis l’hypothèse du désintéressement du Pape François qui semble préférer l’Afrique, l’Amérique Latine et l’Asie dans sa politique étrangère. Il nous a été énoncé que cela n’était pas le cas, mais que nous devrions nous intéresser davantage aux Balkans, espace qui a connu des divisions profondes et fait l’objet d’enjeux multiples aux portes de l’Europe.
La délégation des parlementaires a été agréablement surprise par la connaissance par les hautes autorités du Vatican du monde tel qu’il est et des problèmes qu’il vit actuellement : l’effacement des frontières, les nouvelles mutations économiques, la révolution technologique ou la multiculturalisation des sociétés. Ces nouveaux challenges qui s’imposent à l’ensemble des Etats sont abordés de manière pragmatique par le Saint-Siège qui montre son ouverture d’esprit en faisant œuvre de tolérance et d’humanité.