Le contexte électoral britannique crée de nouvelles incertitudes sur la conclusion du Brexit. Mme Theresa May a démissionné le 7 juin 2019 et les consultations ont actuellement lieu au sein du Parti Conservateur sur son successeur. Après plusieurs tours de scrutin, deux candidats sont en lice, Boris Johnson Jeremy Huntet . Le nouveau Premier Ministre sera désigné dans le courant de la semaine du 22 juillet.
M. Boris Johnson a publiquement déclaré vouloir ne pas honorer les engagements financiers britanniques en l’absence d’une renégociation de l’accord. Il est à noter que le fait de ne pas tenir des engagements financiers pris sur la base d’un accord international pourrait faire douter de la solidité des engagements britanniques ainsi que de la situation budgétaire du pays.
Ainsi les préparations à une absence d’accord se poursuivent d’autant plus que cette hypothèse devient de plus en plus probable. A ce titre, les Irlandais se préparent au rétablissement d’une frontière dure en cas de sortie d’accord, malgré la baisse de la mobilisation citoyenne et des entreprises sur ce sujet.
Le Brexit une menace économique majeure
Le Brexit continue d’être identifié par le FMI, la Banque Mondiale et l’OCDE comme l’un des évènements géopolitiques qui pourrait être une cause majeure de déséquilibre de l’économie mondiale. Si le scénario d’un accord de retrait reste éminemment préférable à celui d’une sortie sans accord, les conséquences économiques sur différents secteurs d’activité sera nécessairement néfaste, y compris en France.
Trois exemples pour illustrer les conséquences d’un « Hard Brexit » :
L’agriculture
Le Royaume-Uni est l’un des principaux clients de l’agriculture européenne, notamment dans le domaine de la viticulture. Le pays a ainsi importé, en 2016, 22,4 milliards de livres de produits frais depuis le reste de l’Union. Les seules barrières non tarifaires occasionneraient une augmentation d’environ 16 % des prix des produits alimentaires, et une perte sans doute équivalente pour les producteurs. Cette situation pourrait entraîner des problèmes alimentaires au Royaume-Uni. L’impact du rétablissement des droits de douane sur les producteurs français serait également important.
Les services financiers
La fourniture de services bancaires et financiers dans le cadre du marché unique de l’Union européenne est facilitée par les directives et règlements sectoriels, permettant l’octroi aux établissements implantés sur le territoire de l’Union européenne de licences spécifiques, les « passeports » financiers.
En 2014, les banques et établissements financiers britanniques fournissaient plus de 20 milliards d’euros à leurs clients européens.
Il a été clairement affirmé que les établissements britanniques ne pourront plus bénéficier du système d’agrément unique qu’est le « passeport financier européen » à partir du moment où le Royaume-Uni devient un État tiers. Les banques étrangères implantées à Londres devront ainsi établir leur siège dans un État membre de l’Union européenne si elles souhaitent y accéder à nouveau.
L’un des principaux enjeux sectoriels concerne les chambres de compensation. 75% de la compensation des dérivés des taux d’intérêt sont effectués à Londres et 97% des swaps en euros sont conclus au Royaume-Uni. Sur les 17 chambres de compensation que comprend l’Union européenne, quatre sont au Royaume-Uni. La Commission européenne a décidé d’engager un processus de reconnaissance d’équivalence spécifique dans le cadre de l’accord de retrait, sous la supervision de l’ESMA, l’Autorité européenne des marchés financiers. Les incertitudes actuelles sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt a toutefois conduit une partie des banques européennes à rapatrier leurs actifs vers Eurex Clearing, une filiale de la Deutsche Börse.
Les entreprises industrielles
Deux secteurs industriels sont particulièrement sensibles : l’automobile et l’aéronautique.
le Royaume-Uni représente 18,5 % du marché européen du secteur automobile avec 2,5 à 2,7 millions de véhicules vendus chaque année, contre 2,1 millions en France. Les constructeurs français y effectuent environ 7 % de leurs ventes dans le monde et 15 % de leurs ventes dans l’Union européenne. De plus, le marché britannique représente un « marché de véhicules de moyenne gamme et de gamme haute » et donc plutôt rémunérateur. Ainsi, la part additionnée de Renault et de PSA sur le marché britannique des véhicules utilitaires légers (VUL) représente 23 % de l’ensemble.
Outre les exportations, des marques européennes possèdent des installations industrielles sur place. Dans l’ensemble, l’industrie automobile britannique est très imbriquée dans le tissu industriel européen. Si le taux d’intégration locale est assez faible (entre 40 et 44 %), la grande majorité des autres pièces viennent des États membres de l’Union européenne.
En ce qui concerne le secteur aéronautique, la situation d’Airbus est emblématique de la difficulté dans laquelle peuvent se retrouver les constructeurs, au moment de la sortie du Royaume-Uni de l’union douanière. Ce constructeur, qui emploie 15.000 salariés en Grande-Bretagne et qui y a créé environ 117.000 emplois indirects, dépend fortement de la libre circulation des pièces d’avion entre le Royaume-Uni et les sites industriels implantés dans le reste de l’Union européenne. Or, la perturbation des chaînes industrielles, qui concerne notamment les ailes des avions commerciaux, principalement construites au Royaume-Uni, pourrait entraîner non seulement des coûts supplémentaires mais aussi des difficultés dans le contrôle de la qualité des pièces produites et donc, à terme, des problèmes de sécurité.
La disruption des chaînes de valeur affectera toutefois un certain nombre d’autres industries stratégiques françaises, puisque le Royaume-Uni est le second partenaire commercial de la France en Europe après l’Allemagne pour l’aéronautique et l’espace civil. En effet, les exportations françaises vers le Royaume-Uni dans ce domaine évoluent entre 2 et 2,2 milliards d’euros par an.