Qu’est-ce qu’une politique du logement ambitieuse, juste et éco responsable ?
Poser la question sous cette forme revient à souligner en creux les carences des politiques du logement successives et parfois acter leur échec. Cette interrogation est légitime au regard du budget que consacre la nation au logement. Chaque année nous dépensons plus de 40 milliards d’euros, soit près de 2% de notre PIB. Depuis quelques d’années, l’action des pouvoirs publics s’est accentuée dans ce secteur pour répondre aux besoins des ménages, pour lesquels la part des dépenses consacrées à ce poste dans leur budget ne cesse de croître. Mais la situation du logement aujourd’hui en France est héritée d’un passé lointain, d’une histoire marquée par des aléas économiques et sociologiques profonds. Nous sommes dans un temps long où les actions, aussi volontaristes soient-elles, mettent des décennies à produire leurs effets.
La loi ELAN qu’a portée le Ministre Julien Denormandie souligne dans ses objectifs la nécessité d’une démarche intégratrice pour répondre aux enjeux transversaux posés par la question logement dans un contexte de ruptures majeures, qu’elles soient climatiques, sociales ou encore sanitaires. Dans ce domaine plus que tout autre, et du fait même de la multiplicité des acteurs, le portage politique, tant à l’échelle nationale que locale, doit être fort.
Cette ambition correspond à un impératif écologique. Les décisions reprises des conclusions de la convention citoyenne pour le climat et les annonces suite au cinquième conseil de défense écologique le rappelle : la précarité en matière de logement est aussi énergétique. Pour cela, le gouvernement va doubler le budget consacré aux dispositifs d’aides pour des travaux de rénovation énergétique et fixer un seuil d’indécence énergétique au-delà duquel un locataire pourra faire appel au juge qui pourra décider de geler le loyer ou interdire la location du logement.
Le logement est aussi consommateur de foncier et contribue à l’artificialisation des sols. Une politique de logement éco-responsable doit donc limiter l’étalement urbain. Cet objectif en Nouvelle-Aquitaine est inscrit dans le SRADDET et déclinée dans les SCoT et les PLUi. Il se traduit par l’impératif de réduire de 50% la consommation foncière à l’échelle de 2030. Cette ambition est à saluer, mais elle se heurte parfois à certaines spécificités locales.
Ainsi, ma circonscription et plus généralement le Pays basque, connaissent une forte croissance démographique et économique. L’offre de logement est insuffisante et inadaptée, et la concentration de la population et de l’emploi entraîne des déséquilibres géographiques. Cette ambition de réduction importante de consommation foncière ne peut donc pas se traduire de manière uniforme, même si la trajectoire doit rester la même que sur l’ensemble de la région.
La pression foncière étant particulièrement importante, c’est à l’échelle de la Communauté d’Agglomération Pays Basque qu’une véritable politique foncière publique doit être mise en œuvre. Or les enjeux que pose cette mise en œuvre dépassent parfois les compétences de la collectivité. En concertation avec les autres collectivités territoriales et l’État, il conviendrait au titre de l’expérimentation de lui laisser davantage de liberté dans l’élaboration et la mise en œuvre de cette politique foncière publique. Faut-il par exemple frapper certains terrains d’une servitude d’une nature analogue à celles qui concernent la construction de logements sociaux (SRU)? Le récent projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations, présenté en conseil des ministres le 29 juillet dernier devrait faciliter une meilleure prise en compte des spécificités locales.
Car une politique du logement juste est aussi une politique qui régule le marché, pour éviter dans les zones tendues une trop forte spéculation foncière. Dans les grandes métropoles comme sur la plupart des littoraux, l’augmentation régulière des prix des logements, à la location comme à l’achat, empêchent les jeunes, les familles à revenus modestes et moyens d’accéder à un logement correspondant à leurs besoins. Dans certaines villes, la gentrification de quartiers entiers bouleverse les équilibres sociaux et nuit à l’impératif besoin de mixité sociale.
Les territoires mettent déjà en œuvre des dispositifs dits innovants, comme la dissociation de la propriété des murs et du terrain. Ainsi, dans ma circonscription, grâce à la création d’organismes fonciers solidaires, des ménages ont pu devenir propriétaire de leur logement à un prix 40% inférieur au prix du marché. Ces dispositifs sont généralement soumis à condition de ressources.
Une politique de logement ambitieuse est enfin une politique où la construction et la rénovation de logements permet de répondre aux véritables besoins de nos concitoyens. Les friches industrielles et la revitalisation des centre bourgs offrent un potentiel intéressant. On pourrait ainsi imaginer qu’une collectivité puisse proposer d’acheter en viager un logement de centre bourg, permettant le maintien de son occupant à son domicile. La rente pourrait prendre différentes formes : pension alimentaire, services dédiés, etc.. L’usufruitier a ainsi connaissance de l’affectation de son bien, parfois pour le compte de l’intérêt général, et la collectivité maîtrise son foncier.
Cependant au-delà des stocks, c’est aussi et surtout les flux qu’il faut améliorer pour fluidifier le parcours résidentiel notamment des jeunes et des personnes âgées, en leur proposant un logement adapté.
La question du logement, à l’échelle locale comme à l’échelle du pays, interroge notre capacité à maintenir et développer la cohésion sociale et territoriale de notre nation. Transversale aux autres problématiques que sont l’emploi, la mobilité, la santé et même l’éducation, elle constitue aussi un formidable levier pour affronter la crise économique profonde qui s’annonce.
Comme chaque année depuis près de vingt ans, nous aurons l’occasion de débattre de tous ces enjeux aux Entretiens d’Inxauseta le 28 août prochain. Véritable laboratoire d’idées, cette journée réunit les acteurs économiques, sociaux et institutionnels du secteur du logement. Des universitaires, des représentants d’organisations syndicales et patronales, des femmes et des hommes politiques participent également à ces échanges.
Nul doute que dans le contexte de refondation que nous connaissons, ces Entretiens auront une tonalité particulière.