Le Président de la République se rend aujourd’hui à Rodez pour débattre avec 500 participants de la réforme de notre système de retraite.
Pourquoi s’engager dans cette réforme à haut risque, dans un contexte social que l’on sait tendu ? Bien sûr, cette réforme est un engagement de campagne du Président. Mais le courage et la détermination dont il fait preuve sont sans doute l’indice d’une impérieuse nécessité.
Une réforme nécessaire
Notre système de protection sociale compte parmi l’un des plus généreux au monde. Conçu au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans un contexte d’union nationale, il avait pour objectif de protéger nos concitoyens de l’incertitude des lendemains et de bâtir un ordre social plus juste, où notamment les travailleurs pourraient finir dignement leurs jours.
En matière de retraite, ce programme a porté ses fruits. Notre pays est un des seuls pays de l’OCDE où les retraités ont un niveau de vie supérieur à la moyenne de la population, même si cette moyenne cache de nombreuses disparités.
Nous sommes également un des pays où l’on part à la retraite le plus tôt. Ce système traduit un choix de société qui s’est bâti au fil des années, dans la concertation et parfois dans la lutte sociale. Il est aussi le reflet d’une logique de statuts correspondant à l’histoire et aux contraintes propres à chaque métier.
Notre système de retraite actuel est fragilisé par l’allongement de la durée de la vie. Ainsi, on comptait 4 actifs pour 1 retraité en 1960, puis 2 actifs pour 1 retraité en l’an 2000. Et on comptera en 2040 1,5 actif pour 1 retraité. Cette évolution ne doit pas cependant nous amener à revoir le principe même de notre modèle par répartition, où s’exprime la solidarité nationale. Il convient de le réformer pour répondre à ces évolutions démographiques, mais aussi parce-que le système actuel est illisible ! En moyenne aujourd’hui, chaque français est affilié à trois régimes différents au moment de partir à la retraite. Cette complexité empêche toute transparence, surtout pour le bénéficiaire qui connait rarement au moment de partir à la retraite le montant de la pension qu’il percevra.
Le monde du travail connait aujourd’hui une transformation rapide. Cette logique de statuts ne correspond plus toujours à la réalité. De plus, l’évolution de la pyramide des âges vient fragiliser certains régimes autonomes qui sont aujourd’hui en excédent, mais qui demain devront faire face à d’importants départs à la retraite. C’est le cas par exemple de la caisse autonome de retraite des médecins libéraux.
Justice sociale et solidarité dans un monde professionnel en pleine mutation
Cette réforme est aussi nécessaire, car nos concitoyens ne supportent plus les injustices et les différences de traitement. Comment justifier qu’à cotisations égales, on ne perçoit pas la même retraite ? Comment expliquer qu’à métier identique, les pensions ne soient pas équivalentes ? Pourquoi un chauffeur de bus à Hendaye ne percevrait pas la même retraite qu’un chauffeur de bus à Paris ?
Pour être fidèle à l’esprit du Conseil National de la Résistance, cette réforme doit être un projet de société où s’exprime la solidarité collective. Actuellement, beaucoup de régimes spéciaux sont basés sur une solidarité professionnelle. Mais la révolution numérique impacte à un point tel le monde du travail, que l’on ne sait pas à un horizon de 30 ou 40 ans quels métiers disparaîtront. Cette solidarité professionnelle est donc fragilisée. Il faut garantir une solidarité collective, universelle, et sortir d’une logique qui parfois opposent les français par une forme de corporatisme qui nuit à la communauté nationale. C’est pour cette raison que le Haut-Commissaire Jean-Paul Delevoye propose la fusion de tous les systèmes de retraite dans un régime général. Je note à ce propos que certains partenaires sociaux approuvent cette proposition.
Une méthode de réforme basée sur la concertation
Il est difficile de réformer contre. On réforme pour et avec les français. Le Président de la République a rappelé que cette réforme devait être discutée, débattue, amendée avec les organisations syndicales mais il a aussi encouragé nos concitoyens à s’emparer de cette question qui traduit notre façon de faire société.
Il faut donc du temps. De fait, Jean-Paul Delevoye a passé les deux dernières années à négocier avec les partenaires sociaux pour écrire le rapport remis au Premier Ministre en juillet dernier.
Il s’agit du document cadre à partir duquel vont se mener les discussions pour l’écriture de la loi.
Cette seconde phase de concertation qui s’engage doit ainsi permettre à nos concitoyens de prendre une part active à ces discussions, en utilisant la plateforme qui sera mise en ligne à la fin de ce mois, ou en participant aux nombreuses réunions publiques qui auront lieu autour d’élus locaux et d’associations.
Ce temps long est aussi celui de la mise en œuvre de la réforme. Le nouveau système ne concerne ni les retraités actuels, ni les actifs qui sont proches de la retraite. Il est ainsi proposé que la loi bascule pour la génération de 1963.
Il s’agit, non pas d’appliquer la réforme de façon aveugle et uniforme, mais de trouver un chemin de convergence. Cette transition longue doit cependant tenir compte de certains régimes spéciaux. C’est le cas pour les fonctionnaires dont le statut prévoit des grilles de salaires plus basses que dans le privé, en échange d’un régime de retraite plus favorable. Cette réforme doit donc s’accompagner d’un nouvel accord sur les salaires dans certains secteurs.
Il n’est pas question de remettre en cause la prise en compte de la pénibilité ou la dangerosité de certains métiers qui, selon moi, justifieraient un départ à la retraite anticipé à taux plein dans certains cas. La solidarité nationale doit aussi s’exprimer en faveur de ceux qui s’engagent parfois au péril de leur vie.
Nous aurons également à proposer des solutions pour les aménagements de fin de carrière et l’adaptation des postes de travail si nous voulons améliorer le taux d’emploi des seniors. Il est aussi souhaitable d’assouplir les conditions du cumul emploi retraite.
Nos concitoyens expriment souvent leur inquiétude quant à leur avenir. Cette incertitude est compréhensible en ce qui concerne notre système de retraite actuel. La réforme proposée par le Président de la République et la concertation engagée par le gouvernement doit permettre de répondre à cette inquiétude et de renforcer la solidarité entre les actifs et les retraités, les jeunes et les personnes âgées, de refonder en quelque sorte le contrat social entre les générations.